Dans son jardin de Cohade, Frédéric Nesme vit au plus près du rythme de la nature
Source : La Montagne – 9 octobre 2013
Installé depuis cinq ans en maraîchage à Largelier, Frédéric Nesme se félicite chaque jour d’avoir une clientèle fidèle et solidaire.
Si on cherche Frédéric Nesme, il y a de fortes chances de le trouver affairé sur sa parcelle de Largelier, à Cohade. En ce début d’automne qui a encore des parfums d’été, le travail ne manque pas pour le jeune maraîcher. Seul à la tâche, parfois accompagné d’un stagiaire du centre de formation des apprentis (CFA) de Bonnefont, il s’occupe de ses 8.500 mètres carrés de légumes. Un travail de titan. « Au printemps et en été, je fais des horaires de folie. Surtout à la période des plants et des asperges. »
Pour ce qui est des mois à venir, c’est plutôt le manque d’activité qui l’inquiète. « D’habitude, j’arrête la production au mois d’avril. Cette année, ça risque de se terminer au mois de décembre. » Au terme d’une saison de maraîchage plus que difficile, l’hiver s’annonce compliqué. Heureusement, le producteur sait qu’il peut compter sur ses clients.
« Pour faire du bon bio, il faut toucher la terre »
La vente directe au consommateur, Frédéric Nesme ne fait que ça. Installé depuis cinq ans, le jeune agriculteur avait commencé par travailler avec un supermarché bio, mais il a mis fin à l’expérience au bout de deux ans. « Quand on est une toute petite structure, on valorise bien mieux nos produits en direct. Le système de vente à un intermédiaire est adapté à de plus gros producteurs. »
Sur le marché de Brioude, Frédéric Nesme a réussi à se constituer une clientèle fidèle. « Quand ils râlent un peu sur le prix, je leur explique qu’aujourd’hui, le navet est plus cher qu’hier à cause de la météo, ou parce qu’il y a eu un problème. Ils sont très tolérants et soutiennent vraiment les jeunes. »
Mais le plus gros de sa production se vend par le biais des AMAP. Chaque semaine, il compose des paniers de légumes qui varient en fonction de la saison et les amène au point de livraison pour les remettre en mains propres à des clients qui s’engagent avec lui sur la durée. Ce système lui assure une rentrée financière sur laquelle il peut compter. Il fait partie des AMAP de Brioude et, depuis quelque temps, de celle d’Aubière. « Ça représente 150 kg de légumes en plus par semaine. Si je n’avais pas eu cette AMAP, j’aurais peut-être arrêté… »
La solidarité que Frédéric Nesme trouve dans le système des AMAP (lire par ailleurs) contribue à lui remonter le moral, les jours où il a l’impression d’être seul… La solitude dans le travail, Frédéric Nesme y est habitué. Il confie même apprécier le fait de travailler en solo. « C’est juste que, parfois, quand on est fatigué, on aurait besoin d’avoir quelqu’un pour trouver du courage. »
Mais s’il y a des moments de doute, le jeune maraîcher ne perd pas son indéboulonnable sourire. Car il aime son métier et ne regrette pas son choix. « Une fois qu’on a les mains dans la terre, c’est dur d’en sortir, assure-t-il. La terre, c’est une drogue… »
Jardinier plus que paysan
Il n’aime pas qu’on le qualifie d’« agriculteur », un terme qu’il a l’impression de ne pas mériter assez. « Je ne me sens pas particulièrement paysan. La preuve, je peux partir en vacances. Je me sens plus horticulteur, ou jardinier. D’ailleurs, ici, c’est un grand jardin », conclut-il avec modestie. Un grand jardin, qui nourrit quand même plus de cinquante familles…
Pour Frédéric Nesme, le choix du bio s’est fait comme une évidence. « C’est le plus naturel, explique-t-il. Je travaille tout à la main. Pour faire du bon bio, il faut toucher la terre », explique-t-il. Le tout manuel lui demande certes du temps, mais il n’envisage pas son travail autrement. Et si, un jour, il devait s’agrandir, il aimerait passer à la traction animale. À la rigueur, il pourrait acheter un tracteur. Mais ce serait sa seule concession à la mécanisation. « Il y a peu d’investissements à faire dans le maraîchage. C’est très différent de l’élevage, par exemple. » Cette absence d’endettement, Frédéric Nesme la vit comme une liberté.
S’il qualifie son métier de « dur et très technique », il refuse de le considérer comme une servitude. Proche des rythmes saisonniers pour ses légumes, il considère aussi que l’humain doit le rester lui aussi. « Le plus naturel, quand il fait – 20 °C, c’est quand même de se reposer… »
Géraldine Sellès