La série De la terre et des hommes s’est terminée samedi par une escapade dans les vignes
Source : La Montagne – 30 septembre 2014

À l’occasion de la projection du film Résistances naturelles, des vignerons auvergnats ont témoigné des difficultés d’exercer leur métier de façon respectueuse.
Des Brivadois qui fleurissent leur jardin aux vignerons italiens qui cultivent leurs ceps en Toscane. C’est le grand écart que proposait la série De la terre et des hommes, initiée cette année par la municipalité et l’association Absolu, qui organise les AMAP de Brioude. Une série qui a démarré avec la remise des prix des balcons fleuris, il y a deux semaines, et qui s’est achevée samedi soir par la projection-débat du film Résistances naturelles (*), du réalisateur de Mondovino.
Une soixantaine de personnes a ainsi découvert la philosophie de ces gens qui, chacun dans son petit bout d’Italie, produisent un vin sans soufre, sans pesticide, sans herbicide ni fongicide… « On est des intermédiaires, mais c’est le vin de la terre », assure l’un d’eux. « Il y a zéro technologie dans nos caves, s’amuse une vigneronne. Notre vin, c’est juste ce que nos raisins nous donnent ».
L’une des images fortes du film reste ce plan où le vigneron compare une poignée de sa terre avec celle prise sur le terrain voisin, cultivé en conventionnel. « La véritable agriculture, c’est de reconstruire constamment l’humus, explique-t-il. Ma terre sent le champignon, celle de mon voisin sent la lessive ». À l’image, la différence est indéniable entre cette motte de terre friable et sombre, d’une part, et ce bloc qui ressemble à de la glaise claire, où les feuilles mortes sont vitrifiées plutôt que décomposées. Et puisque la devise propose de penser global pour agir local, des vignerons du Cantal et du Puy-de-Dôme, qui travaillent en agriculture biologique, ont, après le film, raconté leur quotidien.
Même combat pour
ces vignerons auvergnats
« À la cave, j’essaie de mettre le moins de produits possible, je n’utilise plus de levures depuis 2011, explique Stéphan Elzière, installé à Molompize (Cantal). Et pour ne pas mettre beaucoup de produits, j’essaie de passer beaucoup de temps à la vigne… ». Qu’il s’agisse du Cantalien d’adoption ou de Fabienne et Christophe Grayon, qui produisent du vin bio à Boudes (Puy-de-Dôme), le constat est le même. C’est bien la terre et l’écosystème qui font le vin.
« Sur l’étiquette, je n’ai plus le droit de mettre Boudes ! »
( Christophe Grayon, vigneron à… Boudes)
« Quand on est arrivé, les gens disaient qu’on ne passerait pas l’année », s’amuse Christophe Grayon, qui produit avec son épouse entre 12.000 et 15.000 bouteilles par an. « Aujourd’hui, les grands domaines travaillent en biodynamie, même s’ils ne le mettent pas sur leurs étiquettes, insiste Stéphan Elzière. Ils savent que ça s’exprime dans le vin ».
Mais travailler en respectant cet équilibre fragile n’est pas une mince affaire. Et ces vignerons souffrent, comme leurs collègues italiens qui témoignent dans le film, de la demande d’uniformisation des produits. Eux aussi ont des problèmes avec les appellations. « On me retoque toujours un ou deux vins par an », reconnaît le Cantalien. « Mon rosé a été refusé par l’AOC parce qu’il n’avait pas la bonne couleur, s’agace Christophe Grayon. Et notre vendange 2014 ne sera plus en AOC du tout. Le problème, c’est que cela entraîne une perte d’identité : sur l’étiquette, je n’ai plus le droit de mettre « Boudes » ( alors que c’est là qu’il cultive et vinifie, N.D.L.R.), ni même « mis en bouteille à la propriété », alors que c’est ce que nous faisons ! ».
Autre sujet de questionnement : le prix de ces vins « alternatifs ». « Toute la difficulté, résume Stéphan Elzière, c’est d’être en accord avec ce qu’on fait et d’arriver à le partager avec nos voisins ».
(*) Pour ceux qui auraient des regrets, le film est à nouveau programmé le vendredi 10 octobre, à 20 h 30, au centre culturel de Langeac…
Pomme Labrousse