Thomas Brouillard, paysan meunier boulanger à Lavaudieu, une profession devenue rare

Source :  La Montagne – 28 juin 2015

Thomas Brouillard est paysan meunier boulanger à Lavaudieu, une profession devenue rare

Exemple d’une installation agricole réussie avec ce jeune paysan qui fait un métier vieux comme le monde.

Semer, moissonner, moudre, pétrir et cuire. Ces cinq mots faisaient encore partie, il y a trois ou quatre générations, du quotidien des campagnes. Aujourd’hui, lorsque Thomas Brouillard annonce sa profession, il faut faire des kilomètres avant de lui trouver un confrère. Certes, en se faisant paysan meunier boulanger, il renoue avec un savoir-faire ancestral. Mais il pratique aussi une gestion moderne et efficace économiquement parlant : celle qui permet de garder la main sur le processus complet. Ici, de la graine au pain.

En arrivant aux Laniers, à Lavaudieu, sa ferme est facile à trouver : une ribambelle de tissus blancs, qui protègent la pâte lorsqu’elle lève dans les panières, sèchent au vent. Dans une grange qui n’a pas connu la révolution des stabulations, l’ancienne crèche jouxte le fournil. À l’étage, sous le regard affûté de ses chats (« le meilleur des remèdes contre les souris »), les grains attendent de passer l’épreuve du tri. Qui n’a rien d’une mince affaire. « Je passe presque un tiers de mon temps à gérer le moulin et à trier le grain », estime le jeune homme de 27 ans.

« Paysan meunier boulanger, ce métier n’existait pas, pour moi… »La recette de son pain, il ne la donnera pas. Mais la recette de sa réussite, elle, saute aux yeux. De l’envie et de la chance, en égales proportions. L’envie, parce que ce prof de sport de formation a toujours aimé le monde paysan. « Il fallait juste que je trouve une activité où je pouvais être seul et autonome financièrement ». L’envie, encore, lorsqu’il s’agit de rénover cette vieille ferme avec ses deux bras, ou presque. « Il n’y a que le conduit de cheminée du four à bois que j’ai fait faire ». L’envie, toujours, avec le choix de l’agriculture biologique, qui s’est imposé comme une évidence. « La cohérence, lorsque l’on veut se mettre en circuit court, c’est de faire les choses simplement, sans artifice. »

Sur ses douze hectares, quatre sont semés en céréales chaque année. Un mélange d’une quarantaine de variétés pour le blé, et du seigle population. « En fait, la seule chose que j’achète, c’est le sel », s’amuse-t-il. Et la seule chose qu’il ne fait pas, c’est la récolte. L’investissement aurait été trop lourd pour une si petite surface. Ce qui ne l’empêche pas, à quelques semaines de la moisson, de se réjouir en voyant ses épis dresser leurs barbes. Variétés anciennes et rustiques, elles ont su tirer le meilleur de ces terres maigrelettes, anciennes prairies naturelles.

Des variétés de blé anciennes et rustiques .La chance, elle, l’accompagne depuis le début de cette aventure. Avec sa formation, « d’une qualité rare » : il a fait partie de la première promotion des paysans meuniers boulangers du centre de formation agricole de Montmorot, dans le Jura. « Ce métier n’existait pas pour moi, je ne connaissais personne qui faisait ça. » Avec cette ferme des Laniers, ensuite. « L’ancienne propriétaire nous a offert le meilleur des accueils ». Avec l’accompagnement de plusieurs structures, aussi, dont dASA, aussi bien pour l’étude de marché de son activité que pour l’autoconstruction de son outil de travail. La chance, enfin, de dénicher d’occasion un équipement sur-mesure. « Il n’y a que le four et le moulin que j’ai acheté neufs ». L’élévateur à godets, la colonne de séchage, le trieur à semences centenaire lui permettent, huit mois après avoir démarré son activité, de fournir 200 kg de pain par semaine. « C’est le volume que je m’étais fixé pour sortir 1.300 € par mois. Mon objectif, c’était d’y arriver en trois ans… » C’est dire si la demande existe. « Si un deuxième paysan boulanger s’installe demain à Brioude, on ne se marchera même pas dessus », assure-t-il.

Son ‘il avisé, il l’exerce aux champs, au tri des grains, mais aussi au pétrin. D’ailleurs, il ne pétrit pas vraiment sa pâte. « Les variétés anciennes de blé sont trop fragiles ». Mais il la mélange, la rabat, et attend. « Ça n’est pas physique, c’est technique, sourit-il. En quelques minutes, la pâte se lisse toute seule… » Et s’il affiche une rigueur drastique sur les quantités et les températures, ses fournées, d’une semaine sur l’autre, ne sont pourtant pas identiques. « Au levain, tu travailles sur des éléments naturels, même la lune a une influence… Il y a une fermentation, donc il y a de la vie ! »

Goûter. Thomas Brouillard commercialise son pain aux Amap de Brioude et de Langeac, ainsi qu’à la biocoop et sur le marché de Brioude.

Pomme Labrousse