Épisode 4 – La remise des prix du concours Peuplier noir et les 10 ans du CECB

Le magnifique peuplier noir de Chanteuges vainqueur du concours avec 7.20 m de circonférence …

… et le texte plein d’humanité écrit par Pierre Ribeyre, co-vainqueur du concours.

 Paroles de Peuplier,

interprétées et retranscrites par Pierre Ribeyre.

Exercice d’écoute et d’expression inspirée par la pratique du conseil des êtres.


Je suis le Peuplier,

le plus grand, le plus gros de la vallée, c’est vrai…

Pas facile à porter croyez moi :

ça fait quelques tonnes d’écorces, de feuilles, de fibre et de cellulose à supporter !

J’ai poussé si généreusement au fil des saisons,

bien ancré dans le limon,

à me nourrir de lumière ces dernières années,

ces dernières décennies, ces derniers siècles…

elle est longue la vie.


J’en ai vu passé des Hirondelles et des papillons,

des crues, des vagues, des vaches, des peines, des joies,

des pollens et des simagrées.

Vous savez, j’ai la mémoire du lieu,

et d’une part de votre humanité.


Je vous vois passer des petits pieds,

des barbus, des poilus, des yeux qui pétillent,

des bras ballant ou des cheveux bouclés.

Je vous sens marcher sur mes racines,

je sais quand le mycélium est écrasé.

Je suis informé par la mycorhize, les phéromones et les oiseaux :

le cris des Geais, les rondes de Mésanges, le bec des Pics,

la griffe des Milans ou le chant des Engoulevents.


D’ailleurs, je connais le langage des oiseaux,

et le votre aussi :

vous m’appelez Peuplier.

Parce que je peux plier…

pas tant, des fois, ça casse.

Je suis le Peuplier parce que le peuple y est !

Vous êtes à mes cotés,

nous sommes une communauté,

une communauté du vivant, des éléments.

Nous sommes le Peuple de la vallée de l’Allier.

Je suis le Peuplier, j’ai la mémoire du lieu et je peux témoigner.


J’ai tout capté, de mes branches et racines.

J’ai tout compris, intégré,

et sous mon écorce j’ai senti :

des enfants rigoler, des hommes pleurer,

des Chevreuils mourir et des femmes se réjouir…

dans des jeux de jupes, de cache cache entre les fagots,

les bottes de paille et les toiles de jute.


Entre mes racines et mon feuillage,

j’ai filtré les plus profonds de vos secrets :

des pensées, des larmes, des armes,

dans la peur, l’amour, le silence,

la jouissance ou la violence.


Une fois, un soldat est même venu cacher des fusils dans mon houppier…

c’était la guerre.

Puis il y eu les crues, les saumons,

le retour des papillons et la paix.

Avec des piques niques, des soirées romantiques,

que j’ai agrémenté à ma façon, au fil des saisons :

des flocons, du coton, des pleurotes,

des bourgeons, du doré, du fané…

Je suis le Peuplier.

De moi, il y a ce que vous voyez,

ce que vous savez.

Ce que que vous croyez savoir

et ce que vous ignorez.

Vos croyances, le voile de mes secrets, vos raisons,

ma vision, la vie, la passion, nos illusions.

Venez contre mon tronc,

je vous enivrerai de de quelques vérités.

Parce que je sais.


Parce que nous sommes tous ensemble dans une même vallée.

Parce qu’il n’y a rien à cacher.

Ni mensonge, ni pétrole, ni malaise, ni terreur, ni pouvoir, ni anxiété.

Dans des fumées de sensibilité, je reçois vos dérivés synthétiques,

vos dérives politiques, économiques, écologiques...

vos particules de plastique, les cocktail d’hormones,

d’antibiotiques et vos produits chimiques…

Alors oui je sais où vous en êtes,

messieurs dames, je connais vos états d’âme,

je lis dans vos esprits.


On partage le même carbone, la même planète,

vous respirez mes vapeurs

et je vous le dis :

n’ayez pas peur.


Tant que nous partageons la danse,

la ressource et l’espace, tout va bien.

Tant que nous gardons ce lien,

organique, par le cœur et la pensée,

tout va bien. Tant qu’on garde ce lien.

Par la présence, par la conscience,

tout va bien.

Je suis le Peuplier, et je me porte bien.